Formes de vie & sémiotique de la culture
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Science du sens et du questionnement, la sémiotique propose des méthodes pour interroger le sens des pratiques sociales et des productions culturelles humaines. Elle est donc en mesure d’appréhender sous quelles formes et avec quels effets sémiotiques les choix technologiques, politiques et de modèle social transforment nos cultures conçues comme des totalités porteuses de sens et comme des foyers d’identité pour chacun de nous. Il nous faut pour cela proposer un niveau de questionnement adéquat et de portée suffisante, un « plan d’immanence » qui soit approprié à la nature et au niveau des problèmes à traiter.
Ce plan d’immanence sera celui des formes de vie, définies en première approche comme des ensembles signifiants composites et cohérents qui sont les constituants immédiats des cultures. Les formes de vie sont elles-mêmes composées de textes, de signes, d’objets et de pratiques ; elles portent des valeurs et des principes directeurs. Elles disent et déterminent le sens de la vie que nous menons et des conduites que nous adoptons ; elles nous procurent des identités et des raisons d’exister et d’agir en ce monde.
Mais les formes de vie, du point de vue de l’histoire des idées, appartiennent au champ des sciences du langage : tout d’abord la philosophie du langage, avec Wittgenstein, ensuite la théorie sémiotique de la praxis énonciative, avec Greimas. Cette notion n’a été ni élaborée dans le champ des sciences de la culture, ni conçue pour appréhender les cultures et rendre compte de leurs transformations. Parallèlement, les sémiotiques de la culture, du moins celles qui s’affichent telles (notamment au sein de l’Ecole de Tartu-Moscou), ne font aucune référence à cette notion, et ne semblent pas en avoir l’usage.
L’objectif de cette réflexion en cours est donc de redéfinir les formes de vie comme des constituants immédiats des cultures, et même comme le plan d’immanence principal et nécessaire pour rendre compte à la fois de leur cohérence, de leurs déformations et de leurs transformations. Après un examen de la conception des formes de vie chez Wittgenstein, cette étude proposera une reconfiguration conceptuelle, en passant notamment par la prise en considération de la dimension phénoménologique, sensible et subjective des formes de vie culturelles.
Elle proposera d’abord une définition de leur cohérence syntagmatique (fondée sur le principe de « persévérance »), ainsi que de leur congruence paradigmatique (fondée sur le principe de « sélection et pondération axiologiques congruentes »). Elle montrera que la quête du sens de la vie dans les formes de vie a pour origine l’expérience sensible de leur « imperfection », et elle aboutira à la caractérisation des « états d’âme élémentaires » issus de cette expérience, et sur lesquels reposent les formes de vie humaines.