How to think semiotically a present time at the epoch of explosion/Penser sémiotiquement le présent à l’époque de l’explosion
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We would like to set a stage for a dialogue between Lotman’s Semiotics of Culture and Derrida’s Philosophy of Religion by bridging the following two key concepts, among many others: Explosion and dislocated temporality. For theoretical as well as circumstantial reasons, their meeting is quite plausible as well as interesting. Those two key concepts are all elaborated by those authors in the same 90’s just after the collapse of Soviet Union in order to respond, each in their own way, to the necessity to think a present time. It seems that the master of the Tartu-Moscow semiotic school feels obligated before that historical event to correct his more or less federal thought of semiosphere, taking into account the possibility of a radical change due to the systematic disintegration. Hence the idea of explosion, that is related to « unexpected eschatological turnovers in culture ».(Tomi Huttunen 2008 : 68) Derrida begins to complicate since then his deconstruction strategy through the process of auto-deconstruction. In order to understand a new post-cold war world that is just deployed, in which a phenomena he qualifies as ‘the return of religion’ is more and more observed on a world scale, he set forth the idea of an auto-immunity in several works published in the 90’s (spatially in Foi et Savoir and later on, in Voyous as well as in Le « concept » du 11 septembre). His thesis on the return of religion casts light on the locus of deconstruction from a new perspective, that of a messianic time, i.e., the dislocated temporality. In our session, we attempt to bring together the concept of explosion and the idea of messianic time to semiotically theorize the crisis of our time. In order to understand our times, characterized by Derrida in terms of ‘sombre, menaçant et menacé », of « absolument inédit’ (1993 : 91), Ciprian Mihali, in his paper on « Déconstruction, auto-immunité, précarité. De l’intraduisible politique chez Derrida »(2011), underlines the necessity of a ‘philosphical enagement into the study and application of the contemporary French thought.’ He claims that ‘that is not less important today, perfectible, maybe, evolutionary, and opening up to new theoretical approaches’. Based on this claim, we set a stage for new theoretical encounters, from the perspective of which we would like to think our present times.
Nous aimerions organiser une rencontre entre d’une part la sémiotique de la culture de Lotman et d’autre part la philosophie de la religion de Derrida, en jetant un pont entre les deux concepts suivants, parmi tant d’autres : explosion et temporalité disloquée. Pour des raisons à la fois théoriques et conjoncturelles, cette rencontre est bien plausible. Elle est d’autant plus intéressante, voire stimulante que les deux concepts en question sont tous élaborés par ces deux auteurs dans les années ’90 juste après l’effondrement spontané de l’union soviétique en vue de répondre, chacun à sa manière, de façon urgente à la nécessité de penser le présent. Il semble que le maître de l’école sémiotique de Tartu-Moscou se sent obligé devant un tel événement historique d’apporter un correctif à son idée de sémiosphère plus ou moins fédérale en tenant compte de la possibilité d’un changement radical dû à la désintégration systémique. D’où l’idée d’une explosion. Il s’agit d’« unexpected eschatological turnovers in culture ».(Tomi Huttunen 2008 : 68) Quant à Derrida, il se met à compliquer depuis lors les stratégies de déconstruction à travers un processus d’auto-déconstruction. Pour se rendre compte d’un nouveau monde de post-guerre froide qui vient de se déplier, dans lequel s’oberve de plus en plus à l’échelle mondiale un phénomène qu’il qualifie de « retour du religieux », il met en avant l’idée d’une « auto- immunité » dans plusieurs textes des années ’90 (notamment dans Foi et Savoir et, plus tard, dans Voyous et Le « concept » du 11 septembre). Sa these portant sur le retour du religieux met la lumière sur le lieu de déconstruction sous un nouvel angle, celui du temps messianique, c’est-à-dire la temporalité disloquée. Dans notre session, nous allons mettre en comparaison les deux concepts, celui d’explosion et celui de temps messianique afin de théoriser sémiotiquement la crise de notre temps. Pour mieux comprendre notre temps, celui qualifié par Derrida de « sombre, menaçant et menacé », d’« absolument inédit » (1993 : 91), Ciprian Mihali, dans son article intitulé « Déconstruction, auto-immunité, précarité. De l’intraduisible politique chez Derrida »(2011), souligne la néccessité d’un « engagement philosophique dans l’étude et l’emploi de la pensée française contemporaine». Il dit de cet engagement plutôt spéculatif qu’« il n’est pas moins important aujourd’hui, perfectible, sans doute, évolutif et ouvert à de nouvelles approches théoriques. » En le suivant en cela, nous nous proposons de relier les deux concepts en question, à savoir celui d’explosion et celui d’auto-immunité en faveur d’une nouvelle approche théorique, à partir de laquelle nous allons penser notre époque.
Abstracts:
1) Yong Ho CHOI (Professeur de Français, Université Hankuk des Etudes Etrangères, Séoul, Corée du sud, yhchoi@hufs.ac.kr)
Le schéma explosif
Ma communication porte sur le schéma explosif. J’amierais proposer ici de relire L’explosion et la culture de Lotman et Foi et savoir de Derrida pour penser notre temps de crise. Un des apports théoriques de L’explosion et la culture consiste à répondre à la question de savoir comment penser sémiotiquement les limites sémiosphériques. L’idée d’une explosion semble supposer l’existence d’une réalité extra-sémiosphérique, et sa pertinence référentielle dans le processus sémiotique. Il s’agit ici de relier le sémiotique et le non-sémiotique. Mais la question n’est pas si simple, comme l’illustre bien le passage suivant :
Ainsi, selon Kant, la réalité extérieure serait transcendantale, mais cela ne serait vrai que si la couche de la culture possèdait une seule langue. De fait, les corrélations du traduisible et de l’intraduisible sont tellement complexes qu’elles créent la possibilité d’une brèche dans l’espace d’au-delà. La même fonction est attribuée aux moments de l’explosion qui peuvent ainsi créer des « fenêtres » dans l’espace sémiotique. (Lotman 2004 : 48-49).
Cette pensée mérite d’être nuancée. Ce n’est pas l’idéal de la traduction parfaite mais la traductibilité devenant de plus en plus complexe, voire inextricablement compliquée, c’est-à-dire le trop de complexités, d’où l’indécidabilité, l’incalculabilité, etc., cet effet d’excès qui rend possible enfin de déborder sur la couche de la réalité extra-sémiosphérique. Ici, l’excès doit être lu et compris comme un symtôme permettant de diagnostiquer la crise sémisphérique. Il s’agit d’un moment critique pendant lequel la traduction se reconnaît elle-même comme un tr-, comme une irréductible distance, une brèche pure à travers le trop de traductions. Il serait intéressant de rappeler ici que Derrida lie cet excès à l’espace de mort, c’est-à-dire aux « dimensions de la supplémentarité ». Tout cela revient à dire ceci : l’extériorité est à chercher non pas quelque part en dehors d’une sémiosphère donnée, mais à travers une brèche ou fenêtre entrouverte, c’est-à-dire en fonction d’un supplément structurellement inscrit dans le fonctionnement même de cette sémiosphère. Somme toute, l’extériorité ne se manifeste à l’intérieur d’une sémiosphère donnée que sous forme d’un excès, d’un supplément. En se réclammant de Lotman et de Derrida, je me propose dans ma communication de faire valoir cette logique du trop, à savoir celle du supplément pour rendre compte de ce que j’aimerais appeler le « schéma explosif ».
2) Junga SHIN (Professeur de Français, Université Hankuk des Etudes Etrangères, Séoul, Corée du sud)
Auto-immunité, performativité et explosion – à travers le « Transperceneige » de Bong Joon Ho
Le « Transperceneige » est un film catastrophe mettant en scène la vie des derniers hommes qui doivent lutter pour survivre à l’ère glaciaire. Dans ce film lourd d’images eschatologiques, un espace d’habitation se réduit de façon drastique, voire dramatique à quelques places disponibles dans un train dont la capacité ne peut être que restreinte en principe et en réalité. Autrement dit, il n’est permis d’y monter qu’à ceux qui sont capables de réserver leurs places très chères. Or, cela n’empêche pourtant pas les pauvres, qui n’ont pas les moyens d’acheter leurs billets, de brûler le dur. Par voie de conséquence, le transperceneige transforme une nouvelle Arche de Noé en lieu de conflit divisé entre les deux classes sociales: alors que les voitures de tête sont réservées aux voyageurs riches ayant payé leurs places, les voitures de queue aux voyageurs pauvres sans billet.Toute histoire se déroule là-dedans. Ma communicaiton s’articluera en deux parties : d’une part, j’aimerais examiner la manière dont un système parfait tel que le transperceneige est voué à s’effondrer. Pour parler comme Lotman, comment une sémiosphère complète se termnine-t-elle par exploser malgré son fonctionnement impeccable ? Pour fournir quelques éléments de réponse à cette question qui ne semble pas être bien discutée de façon satisfaisante dans le cadre de la sémiotique de la culture de Lotman, qu’on me permette de me référer à l’idée d’une auto-immunité telle qu’elle est formulée et élaborée par Jacques Derrida en matière de philosophie de la religion et de philosophie politique. Si les moments de l’explosion marquent un tournant critique et irréversible au cours du développement d’une sémiosphère donnée, on peut supposer logiquement plusieurs étapes préparatoires qui devraient être suivies avant d’y parvenir. Pour rendre compte de ce processus explosif, j’aimerais faire valoir l’hypothèse de Jacques Derrida selon laquelle « un processus auto-immunitaire… c’est cet étrange comportement du vivant qui, de façon quasiment suicidaire, s’emploie à détruire ‘lui-même’ ses propres protections, à s’immuniser contre sa ‘propre’ immunité » (Derrida 2004, 145). D’autre part, je voudrais intégrer les deux logiques systémiques, celle de l’explosion et celle de l’auto-immunité à la problémtique du sujet, en m’interrogeant sur la question de savoir « qui » pourrait être capable d’induire une telle explosion, un tel effet de suspension dans une sémiosphère donnée. Selon moi, la question du système devra être ainsi complétée par celle du sujet si l’on veut rendre compte de la crise culturelle, de la dynamique du changement culturel. Dans le « Transperceneige », cette question du sujet ne cesse d’être posée, par exemple, en fonction du leader, de ses qualités, de son rôle et de ses missions. J’examinerai cette question à partir de l’hypothèse d’un sujet performatif. En m’appuyant ainsi sur les trois concepts clés, à savoir auto-immunité, performativité et explosion, je procéderai à l’analyse du film de science-fiction de Bong Joon Ho pour mettre au point le modèle du changement culturel dansle cadre de la sémiotique de la culture de Lotman.
3) Soo Hwan KIM (Professor of Russian, Hankuk University of Foreign Studies, Seoul, Korea)
Yuri Lotman’s concept of Explosion as a temporality of « time out of joint »
In my presentation I will attempt to reexamine the well known concept of explosion in semiotics of Yuri Lotman in terms of catastrophic turning point in history. My purpose is to reveal profound theoretical implications of this concept, illuminating it as a semiotic possibility of unpredictable event or fundamental openness to pure otherness that cannot be dominated by existing discourse. The essence of the concept of explosion lies not in the stoppage of the continuous flow of time, but in its sudden rupture, more precisely its escape from it: the temporality of explosion is none other than dislocated temporality. According to Lotman, “the moment [of explosion] is experienced outside of time, even if, in reality, it stretches across a very wide temporal space” (Lotman 2000: 136). The most appropriate expression for the temporality of explosion is “dislocated temporality”, or temporality that has becomedisjointed from the general flows of time, in a word, “time out of joint.” In 1994, a year after Lotman’s death, Derrida started with that famous phrase from Hamlet, laying stress on dislocated temporality, or “messianic time,” in which occurrences confirmed by all to be impossible could be made to happen ((Derrida 1994: 20). In the moment of explosion unpredictability of future path is inseparably interrelated with free choice of subject who experiences those catastrophic events. The subsequent fate of the system depends on not only random events but also conscious choice, which entails responsibility. The problem of personal responsibility and ethics becomes even more actual and important before the bifurcation point. In other words, the ethical responsibility entailed by choice, the maximum of its weight is an invariable share entailed by the space and time of unpredictable indeterminateness. That is why the concept of explosion hardly can be identified with the concept of catastrophe in common use or eschatological myth of the movement of history. In this sense, “messianic apprehension” that Derrida speaks of is very appropriate in relation to the attitude of the subject experiencing explosion. To finite beings, the very limitations that he can neither calculate and predict everything nor program the future in general become the conditions for praxis, decision, action, and responsibility: “Such entrustment of events that may or may not arrive cannot be separated from the promise and order to participate instead of waiting, truly not to avoid the events” (Derrida 1999: 249). In the course of argumentation I hope to prove that important insight of Lotman on explosive moment of history can allow us to see many problems related to the so-called “messianic model” of history in a new light, in particular its positive potential which makes history as a dynamic mechanism of creating and not just a realization of predetermined system.
4) Associate Prof. Assen I. Dimitrov, PhD, Institute for the study of societies and knowledge, Bulgarian academy of sciences
Semiotic engineering
Cognitive engineering: it includes a complete substitution of the basic information blocks of human cognition: the senses, the information channels and finally – the very object of perception and knowledge.
- First, substitution of the senses. The natural organs of human perception are substituted with technological prostheses:
Our apprehension of reality acquires an unprecedentedly mediated character; we perceive the world predominantly on the computers’, TV sets’, smartphones’ displays, or on the data screens of the household or the specialized professional electronics; it is precisely there and not, say, over the retina, where the primary images of our sense perception are formed. (Parenthetically, the development of sense prostheses, which are in the literal sense capable of substituting the human anatomical organs, enjoys a continuing success in medical clinical practice.)
- Secondly, the natural channels of human information apprehension are being substituted: After we have tolerated the electronic devices to be our primary data sources, there is no other option but to accept as primary the channels along which information penetrates into them. These are most often the channels of the electronic media; consequently, the electronic media become our primary and basic information resource.
- The third step is the substitution of the object of cognition. Objective reality is substituted with virtual reality:
After the natural senses and the information channels of perception and cognition have been substituted, their object – social and physical reality – has been subjected to an equally radical substitution, too. (Even in case that one may wish to get an idea of what the weather is like, she doesn’t look at her apartment’s window, but is rather more likely to rely on her PC Windows or her TV display.)
After the whole lot of the authentic cognition has been substituted (primary sense organs, information channels and information sources), then the very knowledge and perception are being substituted with an external and alien suggestion. This external suggestion replaces reality no matter what its source and its intentions are; people learn to look at matters non-critically, to perceive and understand matters according to external rather than their own standards of judgment; they begin to consider these alien standards to be more reliable and trustworthy than their own convictions and values. Thus people get involved in a virtual reality; authentic reality is substituted with a hologram, which depends on the will and fancy of the architects of the social order; it is up to them to decide what is to be projected at the instant moment, when and how long it should be online.
Deontic (axiological) semiotic engineering
The structure of behavioral regulation is also being substituted – a semiotic bypass of the individual and mass consciousness is implanted towards external and alien value and normative instructions and regulators.
Both the structures of perception and cognition and the structures of the value behavioral regulation are subjected to semiotic engineering, which aptly substitutes complete cognitive and deontic structures and blocks with inventions of an intelligent semiotic design. This can be qualified in no other way but as an unprecedented violence and distortion of human nature.
This sharply poses the question of the development of a semiotic by its nature social epistemology as well as the maintenance of a sustainable semiotic ecology, some preconditions of which I tried to summarize.